3 remarques :

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·  Les 2 dessins sont de mauvaise qualité, ils illustrent simplement la disposition de chaque séphire.

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Géocentrisme et Héliocentrisme

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NOTES 

Egale ancienneté des deux doctrines

 A en croire les historiens, l'idée d'une rotation de notre planète autour du Soleil ne se serait imposée que récemment. Elle aurait fait une première apparition au IIIe siècle avant notre ère sur une intuition, en vérité assez mal étayée, du grec Aristarque de Samos. Enseignée sans grand succès et vite oubliée, elle ne serait réapparue que dix-sept siècles plus tard avec Copernic, lequel l'utilisa, non parce qu'il la jugeait vraie, mais en raison des commodités qu'elle offrait à l'exposition du système astronomique. Il aurait fallu attendre Galilée pour que soit envisagée sa validité et pour qu'on entamât enfin la ruptureavec des millénaires d'erreur géocentrique.

Il est exact que l'héliocentrisme n'a réussi à s'implanter que tardivement en astronomie. Il n'en reste pas moins que cette doctrine, tout autant que sa rivale, était connue des traditions ésotériques depuis des temps immémoriaux.

Dans le taoïsme, par exemple, elle coexiste depuis toujours avec le géocentrisme. En effet, si les Chinois qualifient de yang la montée du grand luminaire au sortir de l'équinoxe de printemps et de yin sa descente après l'équinoxe d'automne, tout comme si le Soleil était en mouvement et la terre fixe, cela ne les empêche nullement d'associer par ailleurs le Soleil au Yang, lequel réunit dans une même catégorie le lumineux et le central, et la terre au Yin qui associe l'obscur et le périphérique (1).

On a effectivement beaucoup plus de mal à relever des traces de cette doctrine dans les traditions occidentales. Il est vrai que certains auteurs ont affirmé l'avoir retrouvée dans la Kabbale. Drach écrit:(2)

"Une chose nous a toujours frappé, c'est que, dans le Zohar, le principal code de la Kabbale, on trouve des traditions concernant les sciences physiques qui sont parfaitement d'accord avec les découvertes des plus profonds génies des temps modernes. Ainsi, le croirait-on, la cosmographie que donne ce livre est en substance celle de Copernic". On relèvera néanmoins que, pour attester la présence de cette cosmographie dans la tradition hébraïque, c'est toujours le même passage du Zohar qui est pris à témoin:

"Dans le livre de Rav Hammenouna l'Ancien, il est longuement expliqué que toute la terre habitée tourne en rond comme un cercle. Parmi ses habitants, les uns se trouvent en bas, les autres en haut. Et tous ces hommes ont des aspects différents à cause des atmosphères diverses, selon la position de chaque point. Et les uns comme les autres marchent debout. C'est pourquoi, quand le point des uns est éclairé, celui des autres est dans l'obscurité. Ceux-ci ont le jour et ceux-là la nuit. Et il y a un point qui est tout jour, où la nuit ne dure qu'un temps très court. Et ce qui est dit dans le livre des Anciens et dans le livre d'Adam le premier homme est conforme à ceci: "Je Te loue car j'ai vu les merveilles de Tes oeuvres" (Psaumes 139, 14) et à ceci d'autre: "Combien grandes sont Tes oeuvres, ô Seigneur!" (Psaumes 104, 24). Et ce mystère a été confié aux Maîtres de la Sagesse et non pas aux géographes, parce que c'est l'un des mystères profonds de la Loi" (Zohar III, 10 a). (3)(4) la présence d'un tel passage dans le Zohar suffit à attester que l'héliocentrisme fait l'objet d'une tradition kabbalistique ancienne. En effet, explique-t-il, même ceux qui contestent l'antiquité du Zohar, "le font remonter avant Copernic" puisqu'ils en attribuent la paternité à Moïse de Léon, lequel vécut plus de deux siècles avant l'auteur du De Revolutionibus Orbium coelestium. "Comment alors expliquer, demande-t-il, la présence de ce passage, si ce n'est par une tradition antique?"5

L'argument est digne d'intérêt, mais ne va pas sans soulever quelques problèmes. Si l'héliocentrisme a bien été envisagé par toute une tradition, et non pas seulement par l'auteur du passage ci-dessus cité, il doit exister d'autres traces de sa présence dans les écrits de l'ésotérisme hébraïque. Le fait que ces traces soient difficiles à déceler suggère que l'héliocentrisme a dû faire l'objet d'une transmission occulte. Si secret il y eut, quelle fut sa raison d'être? Et sous quelle forme cette doctrine fut-elle codée? Enfin, le géocentrisme étant constamment réaffirmé dans les traditions hébraïques, comment comprendre qu'il ait pu coexister avec un point de vue qui s'oppose diamétralement à lui?
 
 

La raison du secret.- Petits et grands Mystères

 

Selon Zohar III, 10 a, aux temps anciens on ne confiait le mystère de l'héliocentrisme qu'aux seuls Maîtres de la Sagesse (6).

De son côté, l'enseignement dispensé aux disciples ne comportait que le géocentrisme.

La distinction entre Maîtres et disciples coïncidant avec la division de la Connaissance en grands et petits Mystères (7),

on est ainsi amené à chercher le rapport entre ces deux parties du processus initiatique et les deux doctrines qui nous occupent.
 
 

Les petits Mystères conduisent l'initié à la perfection de son humanité, c'est-à-dire à la réalisation de l'état qui fut celui d'Adam au Paradis terrestre. L'homme qui parvient à cette station spirituelle est en si parfaite symbiose avec son monde qu'il éprouve tous les corps comme autant d'organes de son corps propre et les âmes de toutes choses comme autant d'aspects de sa propre intériorité. La géométrie sacrée figure l'accomplissement de ces Mystères par le passage de la périphérie au centre: de même que dans un cercle tous les rayons concourent vers le centre et, restreignant peu à peu la distance qui les sépare les uns des autres, viennent finalement se résorber en un seul point où ils ne forment plus qu'une chose unique, de même par l'accomplissement de ces Mystères l'homme concentre en lui et fait siennes l'ensemble des possibilités éparses dans son monde.

Pour parvenir à ce but, l'objet d'étude que les petits Mystères proposent à l'homme, c'est l'homme lui-même. Ils professent donc que le centre qu'on a à rechercher n'est nulle part ailleurs qu'en soi. Tel est le sens du Kl Kl, lekh lekha, que Dieu ordonne à Abram en Genèse 12, 1: "YHVH dit à Abram: Va-t-en vers toi de ta terre, de ton lieu natal et de la maison paternelle, et va au pays que Je t'indiquerai". Ce Kl Kl, lekh lekha, est généralement traduit par "va-t-en pour toi", c'est-à-dire "dans ton intérêt, pour échapper à cette terre d'idolâtrie et de perversion qu'est la Chaldée", mais les kabbalistes entendent dans Kl Kl, lekh lekha, "va-t-en vers toi", "vers toi", c’est-à-dire: "vers ton essence la plus profonde, vers ce centre, jardin d’Eden ou terre promise, que tu portes en toi".

Ce retour sur soi est souvent compris comme une descente au plus profond de son âme (8).

Il y a à cela des raisons qui relèvent de la loi d'analogie. C'est, en effet, dans les profondeurs de la terre que sont enfouies toutes les promesses des biens à venir: les métaux précieux, les trésors oubliés, les manuscrits initiatiques perdus depuis longtemps (9), les moissons de demain, les néophytes en espérance de lumière(10), les semailles de défunts en attente de leur Résurrection. La descente au fond de soi est une métaphore du voyage au centre de la terre, à moins que ce voyage ne soit lui-même l'allégorie de cette descente. Quoi qu'il en soit, toute initiation (11) commence par une visite de l'intérieur de la terre. Et ainsi, selon les petits Mystères, le centre spirituel à rechercher n'est nulle part ailleurs que dans le lieu même où nous habitons. Au § 31 du Bahir, à la question de Rabbi Amoraï: "Le Jardin d'Eden, où se trouve-t-il?" les disciples répondent: "Sur terre". (12)

Or, cette conception a un corollaire en astronomie: c'est le géocentrisme. Il ne se peut en effet que le siège du jardin d'Eden se situe ailleurs qu'au centre géométrique de l'espace (13).

Et, de fait, des sept Sephiroth inférieures, Din, Hesed, Tiphereteh, Hod, Netsah, Yesod et Malkhuth, qui sont traditionnellement associées aux directions de l'espace, Zénith, Nadir, Orient, Occident, Midi, Septentrion, la sephirah Malkhuth, qui représente la quintessence de notre terre, a souvent été présentée par les kabbalistes comme la "septième direction", c'est-à-dire comme le centre des six autres.

 "Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'Univers et les dieux". Si la première partie de la formule définit la quête des petits Mystères, la seconde réfère aux objectifs que l'initié doit atteindre par l'accomplissement des grands Mystères: identification avec l'Univers d'abord; avec le Dieu Suprême, Principe de toutes choses, ensuite.

Ce second voyage que va représenter le cycle des grands Mystères ne serait jamais entrepris si la fin du premier ne coïncidait avec une expérience douloureuse. Parvenu à l'état adamique, l'initié découvre que le point où son monde s'est résorbé est loin de constituer le centre suprême et le but de ses aspirations spirituelles. Ce qu'il prenait jusqu'ici pour le terme de sa quête soudain en semble à peine, pas même le début, mais les préparatifs (14)

L'opulente oasis de loin promise à sa félicité, vue de près voici qu'elle s'évapore. Il croyait entrer en possession d'une terre plus nombreuse que les étoiles du ciel et c'est à peine s'il serre dans sa main l'un des grains des sables du désert. Car, en cette station, le nouvel Adam connaît que le lieu où son monde est venu s'unifier n'est rien qu'un point de l'Axe autour duquel se centrent l'ensemble des mondes, en multitude indéfinie, que constitue l'Univers. Tout le reste de cet Axe, lieu commun de tous les centres, demeure à parcourir, voyage combien plus long et difficile que la descente au centre de la terre! (15)

Mais enfin, lorsque vient le temps où ce parcours est achevé, l'initié réalise son identification avec l'Univers dans sa totalité. Première étape des grands Mystères.

De cet Axe il faut alors découvrir le centre, centre ultime celui-là car c'est par lui que s'opère la sortie définitive, hors de ce monde et hors de tous les autres,(16) vers Cela qui n'est plus un monde, mais une Réalité où tout monde s'origine. Seconde étape.

Or, le symbolisme qui tout naturellement vient s'attacher à l'une et l'autre étapes implique l'héliocentrisme. Voici pourquoi.

Il se trouve que, dans les traditions, les mondes innombrables qui constituent l'Univers sont symboliquement comptés sept (17)

parce que ce nombre enferme l'idée d'un épuisement complet d'une série de possibilités (18 )

et parce que, corollairement, les mondes possibles adviennent, tous sans exception, à l'Existence qui en effet les consume et les épuise jusqu'au dernier. Or comme ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, il y a sept mondes dans l'espace de la

19 Le terme d’»espace» est employé ici avec une valeur analogique. Cet espace n’est pas à comprendre comme extension en longueur, largeur et profondeur, puisque parmi les mondes qu’il accueille certains sont inétendus. Le terme hébraïque Mwqm, Maqom, Lieu, serait mieux approprié pour rendre ce que nous avons en vue parce que, constituant un Nom divin (Dieu comme demeure de ceux qui s’abritent en Lui), il tend à retirer de l’idée de lieu toute connotation de matérialité.

et, en analogie avec eux, pour les refléter et les symboliser, il y sept cieux planétaires dans l'étendue visible. Et de même qu'il y a là-haut, dans la proximité de Dieu, un centre de tous les mondes, de même il y a ici-bas, dans notre monde, un Soleil au centre des planètes.

De ce fait, lorsqu'ils ont à désigner le centre des sept Sephiroth inférieures et des sept directions de l'espace, il arrive aux kabbalistes de substituer à Malkhuth la sephirah Tiphereth (20),

.Dès lors que le centre à rechercher est en Tiphereth, ce n'est plus à une descente au fond de soi, mais à un envol qu'il faut procéder, non plus à un voyage au centre de la terre, mais à un voyage céleste. On comprend du coup que l'héliocentrisme ait pu être tenu secret. Ce qui convient au Maître ne convient pas dans tous les cas aux disciples: en l'occurrence, si, à l'exemple d'Icare, ils se lançaient eux aussi à l'assaut des cieux, il y aurait pour eux grand danger de brûler leurs jeunes ailes aux ardeurs du Soleil et d'aller s'écraser dans le fond de l'Abîme(21.)

 Donc: au disciple le forage de la terre et la connaissance de cet être terrestre qu'il est encore; au Maître, la maîtrise des ailes et le voyage céleste vers le soleil. A l'un le Paradis terrestre, à l'autre le Paradis céleste.
 
 

Les références à l'héliocentrisme

 

Dès qu'on a pénétré le sens des Mystères, il apparaît aussitôt que nombreux sont les textes ésotériques dans lesquels l'héliocentrisme vient secrètement se substituer au géocentrisme. Depuis le Livre hébreu d'Hénoch et la luxuriante littérature hébraïque des Palais jusqu'au Voyage nocturne de Muhammad et le récit de l'ascension céleste dans le Paradisio de Dante, l'idée est constante d'un centre situé dans les cieux et offert à ceux qui sont capables de prendre leur envol loin de notre province obscure et de ses profanes excentrés.

 

Sens métaphysique des deux doctrines

 

Du géocentrisme et de l'héliocentrisme, nous avons jusqu'ici dégagé la signification qu'ils revêtent pour la pratique des initiés. Nous ne saurions en demeurer là sous peine de paraître sacrifier à une sorte de pragmatisme, à la vérité bien étranger aux traditions. Ces deux doctrines ont aussi une signification métaphysique qu'il est indispensable de connaître non seulement pour repérer nombre de textes où elles apparaissent, mais aussi et surtout parce que ces données métaphysiques constituent proprement leur essence. On l'a déjà compris, la question du géocentrisme et de l'héliocentrisme n'est pas fondamentalement une question astronomique. Si c'est le Soleil qui se meut autour de la terre ou si, au contraire, c'est elle qui gravite autour de lui, c'est là un problème qui, au premier chef, ne concerne ni la terre ni le Soleil, mais des Principes dont ces deux astres sont les expressions.

Qu'on l'entende comme tendance descendante (22), Chaos primordial (23) ou Materia Prima (24), la Terre est dans tous les cas (25) ce qui se tient aux antipodes du Principe de toutes choses. De tous les existants en attente de réintégration, elle est celui qui a le plus besoin de l'assistance d'en haut. Elle est ainsi le lieu où convergent en force toutes les puissances célestes qui travaillent au retour à Dieu, ce pourquoi Malkhuth est présentée comme une mer (26) et toutes les autres Sephiroth comme autant de fleuves qui concourent à remplir cette mer. En langage anthropomorphique, on pourrait dire de la Terre qu'elle est entre toutes les créatures la plus pauvre et la plus démunie (27) et que, à cause de cela, elle constitue le souci majeur de Dieu, le centre de Ses préoccupations et le lieu où convergent toutes Ses bénédictions. L'expression symbolique de cet état de choses est la représentation d'une planète, la nôtre, occupant le centre de son monde. Tel est le sens profond du géocentrisme. Que si l'on veut comprendre, dans le cadre de cette doctrine, la raison de l'immobilité de notre terre et du mouvement que fait le Soleil autour d'elle pour y semer la lumière, il faudra se ressouvenir que le Principe terrestre est par essence passif et réceptif et le Principe céleste actif.

Toutefois, la loi des actions et réactions concordantes (28) veut qu'à l'activité du Ciel réponde une activité de la Terre et qu'à la passivité de celle-ci réponde un caractère non agissant du Ciel. Il advient alors un renversement des rôles: ce n'est plus l'En Haut qui se met en peine et s'affaire; ce sont les choses tombées qui tendent vers leur Principe comme vers la patrie dont elles ont été exilées et se mettent en marche vers Lui et, sous l'effet de Son attraction, se soulèvent pour Le rejoindre. L'En Haut devient moteur immobile et c'est l'en bas qui se met en branle pour répondre à son appel. De là le rapport de la Terre à la Lumière: toutes les choses terrestres peu ou prou croupissent dans l'obscurité et aspirent à en sortir (29).

Et ainsi, comme le papillon tournoie un moment autour de la flamme avant de venir, en union avec elle, se faire feu lui-même, de même c'est le Soleil, objet du désir, qui cette fois demeure immobile, et la terre amoureuse qui gravite à son entour. Tel est le sens profond de l'héliocentrisme.
 
 

Vérité des deux doctrines

 

Il nous reste à nous demander comment il se fait que géocentrisme et héliocentrisme soient également revendiqués par les traditions.

On sait que dans la science profane les deux doctrines, réduites du reste à leur seul aspect astronomique, ont été conçues comme antithétiques et inconciliables, ce qui se traduisit notamment par la condamnation prononcée en 1633 par le Saint-Office à l'encontre de Galilée. Or de ces deux doctrines il est légitime de dire, selon le point de vue où l'on se place, qu'elles ne détiennent ni l'une ni l'autre la Vérité ou encore qu'elles sont vraies toutes deux ou encore que celle-ci a plus de vérité que celle-là. Mais la seule chose qu'on ne puisse dire, c'est que l'une d'elles est fausse et l'autre vraie.

Les deux points de vue sont également illusoires si l'on songe que ni l'un ni l'autre ne dépasse le plan des apparences. A cet égard, la tradition n'est ni géocentriste, ni héliocentriste, mais théocentriste. Dans l'absolu, la seule Vérité est celle-ci: il y un Dieu infini, indifférencié, immuable, et avec Lui, rien. Il n'y a donc aucune Terre à relever de son abaissement, aucune sollicitude du Haut pour le bas, aucune aspiration du bas pour le Haut, aucun astre errant pour mener sa quête autour du Soleil, aucun Soleil pour entourer notre planète de son orbite et de ses soins.

Mais d'un autre côté, toutes les apparences ont leur raison d'être qui est de refléter ce qui est en haut. Aucune n'est à négliger car chacune exprime un aspect du Divin et toutes sont également précieuses car dans le Principe Suprême il n'y a ni différence ni hiérarchie. Sous ce rapport, géocentrisme et héliocentrisme ont un droit égal à parler de Dieu, l'un comme d'un Etre agissant, l'autre comme de l'objet immobile du désir. Indifféremment l'on dira: c'est Dieu, parce qu'Il est miséricordieux, qui va au-devant de Sa créature pour la combler de Ses grâces; portée par son désir, c'est la créature qui s'efforce vers son Dieu et s'élève jusqu'à Lui: l'équivalence de ces deux discours théologiques a son corollaire en physique, à savoir qu'une modification de la distance entre deux objets ou de leur position l'un vis-à-vis de l'autre peut indifféremment s'expliquer par le mouvement de l'un ou par le mouvement de l'autre. D'une certaine manière, il est aussi vrai de dire: la terre tourne que: le soleil tourne.

Or s'il n'est en Dieu nulle différence ni hiérarchie, il n'en va pas de même pour nous tant que dure notre exil hors de Lui. Certes, en Lui toutes choses se tiennent sur le même plan; bien plus: elles ne forment qu'une seule et même Réalité, simple et indissociable. Mais aux yeux de l'être en proie à l'illusion de l'existence séparée, les voilà qui se disposent au contraire le long d'une échelle qu'il va falloir gravir barreau après barreau avant de parvenir à la Hauteur où tout degré s'efface. Au regard de cette ascension, toutes les vérités ne sont pas également vraies. Tout comme n'importe quel point de l'espace, notre terre peut être considérée comme le centre où s'originent les six autres directions. Mais le Soleil, source de toute lumière et de toute vie, a plus de droits qu'elle au titre de coeur du Monde.
 
 

Le géocentrisme ne mérite pas plus la relégation au musée des erreurs que l'héliocentrisme un procès en hérésie. Mais d'une certaine manière, Galilée mérita sa condamnation comme, pour l'avoir prononcée, le Saint-Office mérita celle dont il fut dans la suite frappé par l'opinion publique. C'est que l'accusé et ses juges commirent le même péché contre l'esprit qui est de barrer la route à la conciliation des opposés par négation du point de vue d'autrui.

Le détestable spectacle qui se donne au théâtre du monde! Ignorants et bornés, imbus du peu de lumière qu'il leur arrive de capter, mais sûrs d'avance que leurs frères sont dans une obscurité complète, acharnés à pourfendre l'erreur et du même coup celui qui la commet, les hommes ne cessent de se déchirer dans des querelles pipées. Avec cette mauvaise pièce et ces acteurs sans talent, il arrive néanmoins à l'histoire de dispenser des leçons éminemment initiatiques. Celle-ci est exemplaire.
 
 

Gabaon

NOTES

 

1Sur ces correspondances, voir par exemple de Matgioi La Voie métaphysique, Librairie de l’Art indépendant, 1905, ou encore de Marcel Granet, La Pensée chinoise, La Renaissance du Livre,1934.

Il est vrai qu'en matière de découvertes, les Chinois ont si souvent précédé les autres peuples, et particulièrement ceux d'Occident, que cet héliocentrisme risque de passer pour une exception parmi les traditions anciennes. Retour

2 L’Harmonie (1, Préf., XV-XVI), cité par Jean de Pauly in Zohar, Le Livre de la Splendeur, Maisonneuve & Larose 1985, T. V, p.68. Retour

3 Il s’agissait de maintenir une certaine pratique initiatique à l’abri de ceux qui auraient pu en faire un usage contraire à la Loi. En général, les précautions de cet ordre concernent les techniques qui risqueraient, entre des mains non qualifiées, de dériver vers la magie et la recherche des «pouvoirs».

4 La mode est aujourd’hui à décrier ce traducteur du Zohar. Mais ceux qui mettent en exergue ses erreurs de traduction n’ont pas toujours autant que lui, loin s’en faut, le sens de l’ésotérisme. Retour

5 Le Zohar, le Livre de la Splendeur, T.V, p.68. Retour

Lorsque vint le temps où cette doctrine se diffusa dans le monde profane, les kabbalistes virent dans cette divulgation un «signe des temps»: «Le Saint, béni soit-Il, ne veut pas que les mystères soient divulgués dans ce monde; mais quand approchera l’époque messianique, même les petits enfants connaîtront les mystères de la Sagesse» (Zohar I, 118 a). Retour

7 Voir de René Guénon Aperçus sur l’Initiation, Editions traditionnelles 1992, Chapitre XXXIX, Grands et petits Mystères. Retour

8 Dans l’ésotérisme hébraïque, on parle de descente dans la Merkabah. La Merkabah, le Char divin, représente entre autres choses l’âme humaine avec ses différents étages. Retour

9 Dans l’ésotérisme hébraïque, on parle de descente dans laMerkabah. La Merkabah, le Char divin, représente entre autres choses l’âme humaine avec ses différents étages. Retour

10 Dans l’une de ses significations, l’allégorie pythagoricienne et platonicienne de laCaverne est le récit d’une initiation. Retour

11 par exemple celle queDante reçut de Virgile. Retour

12 Genèse 2, 8 précise que «YHVH Elohim planta un jardin en Eden, vers l’est». Ce Jardin où s’effectue la réalisation de l’Homme se situe à l’est parce que l’Orient est le lieu où naît la lumière, laquelle est indispensable à la naissance et à la croissance spirituelles. Mais à l’est de quoi? Quel est donc ce pays d’Eden qui s’étend à l’ouest du Jardin? Ce Jardin étant ce qu’on appelle le paradis terrestre, le pays d’Eden est notre terre dans sa quintessence, à savoir Malkhuth, la plus occidentale des Sephiroth. Quant au Jardin lui-même, il est ce qu’il y a en Malkhuth de plus élevé. Il est donc la montagne qui surplombe cette terre et qui pointe sa cime vers l’Orient, en direction de Tiphereth, et, au-delà, en direction de Kether.

N.B. La montagne du Paradis est présente dans toutes les traditions: c’est le Mêru des Hindous, l’Alborj des Perses, la montagne Qâf des Arabes, le Montsalvat des chevaliers de la Table Ronde, etc.. Retour

13 Du fait que le monde est comparable à un cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part, un point quelconque peut légitimement être considéré comme le point de départ des six directions de l’espace. Il n’est donc pas faux de considérer notre terre comme le centre du monde.

N.B. On notera que le géocentrisme des kabbalistes repose sur une connaissance des choses de l’esprit plus que sur des observations relatives au mouvement «apparent» du soleil. Retour

14 C’est une expérience analogue, sinon identique, qui fait dire que «le travail duMaçon ne s’arrête jamais». Retour

15 Au cours de ce voyage, d’autres mirages souvent persuaderont l’initié qu’il est en passe de toucher au but. Retour

16 Dans lestraditions, le centre est toujours conçu comme une porte. De fait, pour tracer le centre, la pointe du compas est obligée pour le moins d’esquisser le forage d’un trou. Retour

17 Pour désigner ces sept mondes, la tradition hindoue fait état de sept dwîpas («îles» ou «continents») et la tradition hébraïque de sept terres. Pour l’une et l’autre, nous habitons le septième monde, le Jambu-dwîpa pour la première, Thével pour la seconde. Retour

18 Les sept jours de la semaine couvrent la totalité du temps puisqu’il n’est pas un jour qui ne porte l’un de leurs noms. Les sept vertus, les sept péchés capitaux épuisent toutes les figures du bien et du mal, les sept arts libéraux toutes les branches de la Connaissance. Les sept couleurs recouvrent la totalité de ce qui se voit et les sept notes de la gamme, la totalité de ce qui s’entend d’harmonieux. Les sept saveurs et les sept odeurs résument tout ce qui en ce monde peut être goûté ou senti par l’odorat. Retour

20 Dans l’Arbre sephirothique, c’est cette sephirah qui se présente en position centrale. Malkhuth s’y montre quant à elle en position périphérique .laquelle est traditionnellement associée au Soleil. Parfois, pour marquer mieux encore qu'elle est bien le milieu de l'Univers tout entier, Tiphereth est placée au centre des dix Sephiroth. Retour

21 La tentative prématurée de s’élever dévie souvent en volonté de puissance et recherche des pouvoirs. C’est ce qui est advenu aux constructeurs de la tour de Babel. Retour

22 La tendance descendante (tamas chez les Hindous) est cette force qui, dans l’Univers, pousse toutes choses à s’éloigner du Principe. Elle constitue la Terre, par excellence, c’est-à-dire l’archétype de tout ce qui est en bas. Retour

23 Le whtThohou, Chaos, est apparenté au Mwht, Thehom, l’Abîme. Il réfère à un état d’abaissement (dans tous les sens du terme) de la terre, état d’abaissement que souligne encore l’initiale t, Thav, dernière lettre de l’alphabet hébraïque. Retour

24 La Materia Prima se tient face au Principe céleste qui va la modeler. Elle est donc en situation basse. Retour

25 La tendance ascendante, leChaos, la Materia Prima, Malkhuth (la plus basse de toutes les Sephiroth) , etc., et même la terre que nous habitons constituent moins des choses différentes que des modalités différentes de la même chose. Retour

26 Zohar I, 124 a.

Malkhuth est également assimilée à la citerne où viennent se recueillir les eaux de pluie. (Voir de P. Vulliaud La Kabbale juive, Editions d’Aujourd’hui, Col. les Introuvables, 1976, t. I, p. 509). Retour

27 Au § 27 du Bahhir, des dix rois (des dix Sephiroth), Malkhuth est présentée comme le plus pauvre. Retour

28 La loi des actions et réactions concordantes veut que toute action a pour corollaire une réaction qui entre avec elle en un rapport de correspondance ou d’analogie. Sur cette question, voir de René Guénon Introduction générale aux doctrines hindoues, Editions Vêga, 1964, 3e partie, Chapitre XIII. Retour

29 «-Qu’avez-vous demandé en entrant en Loge? -La Lumière.»

La Loge étant une représentation du Monde, la formule signifie que tout existant en venant au Monde demande la Lumière. Retour

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